Contribution du Groupe FO au C.E.S.E.R.

, par udfo24

sur l’emploi en Aquitaine avec un zoom sur la Dordogne

( Conseil Économique Social & Environnemental Régional )

Note de conjoncture Juin 2013


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Contribution du groupe Force Ouvrière

Pour le groupe Force Ouvrière, produire une contribution en juin 2013 sur la conjoncture régionale ne peut se réduire à une analyse des éléments statistiques de l’INSEE, mais doit aussi être l’occasion de mettre l’accent sur les difficultés particulières du département de l’Aquitaine qui connaît aujourd’hui le plus fort taux de chômage et qui voit menacée la pérennité de ses rares entreprises industrielles d’importance.. Enfin, nous avons souhaité consacrer la cartouche « perspectives » sur quelques pistes de développement industriel de l’Aquitaine.

1) Quelques éléments de conjoncture

Le 15 Mai dernier, l’INSEE a publié les premiers résultats des comptes nationaux trimestriels pour le début de l’année, confirmant un recul du PIB (en volume) de 0,2 % qui fait suite à un repli équivalent (-0,2%) au dernier trimestre 2012. Au total, il s’agit de la troisième baisse trimestrielle observée sur un an, seul le troisième trimestre 2012 affichant une progression de 0,1%. Compte tenu de la définition technique (deux trimestres consécutifs négatifs), l’économie nationale est donc officiellement en situation de récession.

Au rayon des évolutions statistiques évènementielles et en rapport direct avec le trou d’air de la consommation (-0,4% en euros constants en 2012, soit la deuxième fois depuis l’après guerre, le dernier chiffre négatif de 0,2% datant de 1993), le pouvoir d’achat du revenu disponible enregistre un recul de 0,9% (+0,7 en 2011). Cela signifie concrètement que la consommation des ménages ne soutient plus l’activité économique, alors qu’elle est un pilier traditionnel de l’activité dans notre pays.

L’emploi est toujours mal en point. Le taux de chômage était de 10,2% au 4ème trimestre 2012 en France métropolitaine et devrait atteindre 10,6% en 2013 (11% pour la France entière).

Comment se situe l’économie aquitaine dans un tel contexte ? Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle ne fait pas figure d’exception dans la situation générale alarmante.

Le bilan économique 2012 dressé par l’INSEE fait apparaître la poursuite de la dégradation de l’environnement économique observée depuis l’été 2011 tout au long des trois derniers trimestres, avec une stagnation de l’emploi salarié marchand, une chute de l’emploi intérimaire et une progression de l’activité partielle. La note trimestrielle de conjoncture d’avril 2013 précise, qu’au 4ème trimestre 2012, « …l’emploi régional parvient à se stabiliser par rapport au 3ème trimestre … l’intérim perd moins d’effectifs qu’au trimestre précédent… la construction et le commerce continuent de détruire des emplois…le secteur des services n’en crée plus depuis le 1er trimestre 2012…l’industrie inverse la tendance en affichant une légère hausse …le taux de chômage régional dépasse la barre des 10 %. »

Sur un an, de février 2012 à février 2013, le nombre de demandeurs d’emplois de catégories A,B,C a progressé de 8,8% (+ 9,7% pour les hommes- +8,1% pour les femmes- +9,6% pour les moins de 25 ans- +7% pour les 25 à 49 ans et +14,3% pour les plus de 50 ans.

Le taux de chômage aquitain est en moyenne de 10,2% de la population active au 4ème trimestre 2012, en hausse de 0,3 points par rapport au trimestre précédent. Il n’avait pas atteint un tel niveau depuis 15 ans.

Le triste record du taux de chômage appartient à la Dordogne avec un taux de 11,5%, en hausse de 1 point sur un an. Cela justifie un éclairage particulier sur les difficultés de ce département.

2) La situation du département de la Dordogne

Selon le portrait dressé par l’INSEE (1), avec ses 413.812 habitants au 1er janvier 2010, la Dordogne est le département qui compte la proportion de population la plus âgée de la région Aquitaine, soit 31,9% de 65 ans et plus (20,2% de moins de 20 ans). Son territoire est largement consacré à l’agriculture et l’élevage. Ses industries sont plutôt traditionnelles, avec une prédominance du secteur agro- alimentaire. La majorité des emplois salariés sont orientés vers les services. Les salaires y sont en moyenne moins élevés que dans la région Aquitaine en raison d’une économie très présentielle et d’une sous représentation des cadres. Le niveau de vie médian est inférieur à celui de la région.

L’étude de l’INSEE ajoutait une pointe d’optimisme en notant que « grâce à la diversité de son patrimoine, l’attrait touristique de la Dordogne ne se dément pas ».

En 2010, les emplois salariés se répartissaient ainsi : 62% dans les services, 14,5% dans l’industrie, 13,8% dans le commerce, 8% dans la construction et 2% dans l’agriculture (portés dans ce dernier secteur à 4,3% de l’emploi total salarié et non salarié). Les cadres représentaient 8,5% des emplois contre 12,5% au niveau régional.

Le département de la Dordogne a le triste privilège de se situer sur ce qu’il est convenu d’appeler « le couloir de pauvreté » s’étendant de Blaye au Fumélois et comptant les zones d’emploi de Libourne, Bergerac, Marmande et Villeneuve sur Lot.

Le Bergeracois, comme les trois autres zones concernées, compte une part importante de main-d’œuvre peu diplômée et donc moins apte à se reconvertir, une forte proportion d’emplois à temps partiel dans le commerce et les services, un nombre plus grand de travailleurs pauvres qu’ailleurs et une part d’allocataires dont les revenus sont très dépendants des prestations sociales plus élevée que dans des territoires comparables.

C’est dire l’atout que pouvait représenter dans un tel contexte la présence de l’activité de la SNPE à Bergerac. Or, succédant à des années de tractations infructueuses et d’abandons successifs, les plus grandes craintes sont exprimées quant au devenir des 400 emplois restants sur le site. En effet, alors que l’Etat est actionnaire à 90 % de la SNPE, le projet de loi de programmation militaire prévoit une privatisation annonciatrice d’une accélération des ventes à la découpe déjà engagées avec, à la clé, le risque de disparition des filiales de Bergerac que sont Eurenco et BNC et les plans de licenciement assortis.

(1)INSEE Aquitaine – e-publications- n°4 avril 2012 – « La Dordogne en bref »

Si l’on y ajoute la fermeture programmée de l’ESCAT, et ses conséquences chez un fournisseur exclusif comme l’entreprise Marbot-Bata (70 suppressions d’emplois), l’on peut comprendre la dénonciation exprimée par certains d’un « abandon organisé du département par l’Etat. »

A ces fortes tensions dans le Bergeracois, sont venues s’ajouter des difficultés industrielles majeures dans la zone d’emploi de Périgueux avec l’annonce d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) à la papeterie de Condat portant sur 144 licenciements et 10 départs à la retraite pour un effectif de 658 salariés . Ce PSE est lié à la suppression de l’une des 3 lignes de production, la ligne 6, concernant le papier à gros grammage. Les motifs invoqués par le groupe LECTA pour justifier cette décision ont trait au manque de compétitivité de la ligne 6 face aux productions de même nature du groupe, aux surcapacités du marché des lourds en Europe, à la diminution des résultats du groupe et aux pertes de Condat.

Cependant, les conclusions du rapport d’expertise élaboré à la demande du Comité d’Entreprise permettent de s’interroger sur la réalité des motifs économiques avancés pour justifier la mise en place du PSE à Condat mais mettent au contraire en relief ce qui pourrait être qualifié de « stratégie de casse ».

En effet, entre 2006 où a été présenté un projet de réorganisation et d’investissements de productivité et mars 2011 avec la présentation d’un nouveau projet d’ajustement des modalités de production, plus d’une centaine d’emplois ont été supprimés sans que le programme d’investissement prévu ait été mis en œuvre. L’absence de diversification de production, l’abandon de l’investissement, l’absence de recherche et développement, l’accroissement du prix de revient qui en découle sont les réelles stratégies mises en place par LECTA pour aboutir à la fermeture de la ligne 6 et aux suppressions d’emplois.

Quelques chiffres sur la répartition de la production des lourds entre les différents sites sont éclairants sur la stratégie du groupe : entre 2008 et 2012, la production de la ligne 6 de Condat a baissé de 29 000 tonnes alors que celle de Garda a progressé de 15 000 tonnes et celle de St Joan de 10 000 tonnes. Un dernier élément inquiétant est l’achat par le groupe, sans aucune information du CE, d’une nouvelle machine à papier en Finlande pour l’installer à Saragosse.

L’ensemble de ces éléments permet de diagnostiquer la mise en place d’une stratégie de complet désengagement du groupe LECTA sur Condat. Tout doit être mis en œuvre pour y faire échec. Notre syndicat y prend toute sa part.

Enfin, la situation du département de la Dordogne risque de s’aggraver encore avec la disparition des services publics sur son territoire (dont la suppression d’au moins une sous-préfecture) et le sort fait à l’hôpital de Sarlat.

3) Quelques pistes en perspective, au-delà de la conjoncture de juin 2013

En cette période de préparation de la programmation 2014/2020 des fonds européens axés sur des objectifs thématiques prédéterminés, la détection et le développement des domaines d’activités stratégiques pour l’Aquitaine et le renforcement de l’innovation dans tous ses aspects sont à l’ordre du jour.

Parmi les secteurs industriels porteurs d’avenir pour la région, les potentialités de deux d’entr’eux paraissent devoir être approfondies : le secteur naval/nautisme et les activités de démantèlement .

La filière nautique aquitaine (170 entreprises en Gironde, 1 800 salariés autour d’une dizaine de métiers) marque un dynamisme qui tranche avec les difficultés que connaît cette filière au niveau national.
Dans le domaine de la construction navale, la région compte plusieurs fleurons dont l’entreprise Constructions Navales de Bordeaux (CNB) qui, outre ses multicoques et catamarans de grand renom, vient de sortir un bateau de nouvelle génération construit en composite, pourvu d’équipements électroniques très pointus et d’aménagements de grand confort.
Au-delà de la construction navale, la diversification de la filière autour de la réparation et de la maintenance est marquée par la création récente d’un cluster regroupant douze entreprises aquitaines, avec en perspective la constitution d’une zone de « refit » pour laquelle la présence des formes de radoub du port de Bordeaux est un atout indéniable.

Un tel niveau d’excellence et un tel dynamisme devraient permettre de répondre aux objectifs du programme dit « des navires du futur »issu du Grenelle de la Mer et dont les appels à manifestation d’intérêt (AMI) bénéficient d’une enveloppe de 100 millions d’euros destinés à la filière navale dans ses 5 marines, dont la plaisance. L’objectif général est de soutenir les innovations permettant la mise au point de bateaux et de navires économes, sûrs et intelligents en adéquation avec les attentes des utilisateurs opérationnels. Il s’agit pour les entreprises de la filière navale de conserver leur avance tant dans la conception et la construction des navires complexes que dans la maintenance et les services associés.

Les potentialités des activités de démantèlement dans toute leur étendue méritent d’être explorées et de faire l’objet d’une mobilisation des acteurs économiques pour la structuration d’une véritable filière. Il s’agit non seulement du démantèlement de navires mais aussi d’avions, de véhicules, de vélos et plus largement de produits manufacturés tel l’électro- ménager. Ce secteur, qui justifierait la création d’un nouveau « comité stratégique de filière », répondrait à un triple objectif : industriel, écologique, social (création d’emplois accessibles aux salariés peu qualifiés et actions de formation).